Paranoid Park (2007)

   
Avec Gabe Nevins 
          Daniel Liu

Dans les titres de la Tétralogie, éléphant mis à part, il y a un fond sombre et pessimiste. Gerry désigne un ratage, un échec. Last days les derniers jours avant la mort et donc Paranoid Park. A l’origine le cycle autour de l’adolescence et la mort ne devait comporter que trois films. Après Elephant Gus Van Sant souhaite même se rapprocher d’Hollywood. Durant l’été 2006, les deux projets de film pour les majors sont ralentis par des problèmes de production et tardent à voir le jour. Gus Van Sant découvre alors le roman de Blake Nelson, Paranoid park et décide de l’adapter. L’histoire se situe à Portland et évoque la figure de l’adolescence confrontée à l’expérience d’une mort brutale. La cohérence avec les trois précédents films est plus que marquée.


Alex, le héros du film, pour éviter une situation familiale difficile, décide de se consacrer pleinement au skateboard. Alors qu’il prend clandestinement le train, il tue involontairement  un agent de sécurité. Il décide de garder le silence mais son secret finit par le ronger. On retrouve le thème de la bulle dans laquelle est enfermée Alex, aussi bien sur le plan psychologique que physique avec le skatepark situé tout proche des lieux de l’accident. Tout en pudeur, Gus Van Sant évoque la souffrance de ce jeune adolescent dont le secret est trop lourd à porter. Le thème de la culpabilité, typique d’Alfred Hitchcock, est ainsi revisité par le style lent et esthétisant de Gus Van Sant.


Les ralentis particulièrement soignés, le mélange avec les images en super 8, les longs silences  et la richesse de la bande originale plonge le spectateur au cœur des turpitudes de l’adolescent. 
L’extrait des skateurs dans le tube représente bien comment le travaille esthétique, le cadrage et la bande son nous transportent dans l’esprit de l’adolescent torturé par la culpabilité.  


 Comme dans les trois films précédents un soin particulier est attribué à l’image dont le grain est travaillé. Le voyage est intimiste et poétique, l’objectif étant toujours de suggérer plutôt que démontrer, de s’interroger plutôt que d’affirmer.

Paranoid Park conclue donc le cycle dit Artiste, de Gus Van Sant et ses distances avec les majors et Hollywood. Une phrase du réalisateur lui même symbolise bien cette période : « J’ai envie de faire désormais des films dans mon garage.» Elle évoque l’envie du réalisateur de se débarrasser de la pesanteur de la production Hollywodienne et de retrouver sa complète liberté artistique. De cette volonté expérimentale de bousculer les codes Hollywoodiens naitra un style. Le style de ce cycle se caractérise par des éléments récurrents. C’est d’abord des thèmes communs, l’adolescence, la mort et l’errance. C’est également des dispositifs particuliers, longs plans séquences, travellings, narration minimaliste, temporalité étirée, flashbacks déstructurant la chronologie. La caractéristique centrale étant sans doute la répétition des séquences selon des angles différents au cours du film.  Ainsi, Gus Van Sant n’impose pas une vision, mais invite à a réflexion.



Le film suivant, Harvey Milk, apporte en effet une rupture. Il témoigne en effet du rapprochement avec le système hollywoodien, et ses codes de la biographie classique. Les caractéristiques thématiques et stylistiques qui ont fait la cohérence des quatre œuvres précédentes ne sont pas présentes où très peu dans Harvey Milk. Est-ce que ce dernier film engage un nouveau cycle, comme l’a été Gerry, mais cette fois en renouant avec le système Hollywoodien ? Un premier élément de réponse se trouvera dans le prochain film du réalisateur, Restless, qui sortira en France en ce début d’année 2011.





 Cependant, il ne faudra pas en tirer de conclusion hâtives tant Gus Van Sant aime prendre à contre-pied l'évidence.