Durant la période précédente, même si les thèmes et la manière de filmer la complexité humaine étaient toujours présents, les films étaient soumis à la pression des studios et étaient marquetés comme du cinéma Hollywoodien de grande consommation. La pâte de l’auteur était alors diluée et minorée au sein du système. Gerry marque une rupture avec la tétralogie précédente, où Gus Van Sant sétait rapproché des studios.
C’est une histoire vraie qui a inspirée Gerry. Celle de deux jeunes gens partis en balade qui se sont perdus et sont morts à moins de 300 mètres de la route qu’ils n’ont pas réussi à trouver après plusieurs jours de recherche.
C’est aussi l’histoire de trois personnes, Matt Damon, Casey Affleck et Gus Van Sant qui vont s’approprier ce fait divers pour explorer au plus profond l’expérience de la désorientation et de la perdition.
Avec Gerry, il y a la volonté chez Gus Van Sant de faire du cinéma comme on en faisait avant l’industrie du cinéma, c’est-à-dire, sans les artifices et les montages frénétiques. Un cinéma organisé autour de formes simples, sans vouloir surcharger le discours. Gus Van Sant s’oppose ainsi à ce que doivent souvent être les films aux Etats-Unis, des feux d’artifice qui « bousculent » le spectateur sans laisser le temps nécessaire au spectateur pour le réflexion. Le film se caractérise par une narration et des dialogues ultraminimalistes et des séquences très longues qui laissent le spectateur se perdre en même temps que les acteurs.
On trouve un des traits esthétiques dominants de la tétralogie que nous étudions avec, la boucle, quand Casey Affleck est filmé avec un travelling circulaire autour de lui (à partir de 2 mn 10 dans la vidéo ci-dessus), ce qui semble symboliser l’interminable.
La longue scène en voiture qui ouvre le film installe d’entrée le tempo. C’est aussi un trait commun avec les quatre œuvres du cycle, qui commencent toutes par un long parcours en voiture, à pied ou en skate. Marquant ainsi, la continuité au sein du cycle.
Gerry est également une expérience sensorielle, où les plans larges et les séquences étirées au maximum donnent aux paysages une beauté saisissante. Ces effets désorientent également le spectateur.
L’expérience est aussi dans l’absence de sentiment qui se dégage des deux personnages. Ils sont confrontés à une situation tragique où leur vie est menacée pourtant il est très compliqué de saisir quels sentiments traversent leurs esprits. Les dialogues évoquent des faits antérieurs qui n’ont parfois rien à voir avec la situation présente, où un mélange entre réel et virtuel lorsque Casey Affleck explique comment il a conquis Thèbes il y a deux semaines de manière si naturelle qu’on oublie qu’il parle d’un jeu vidéo.
D’autre part, le spectateur suit tout au long du film, la progressive dégradation de l’état des deux amis qui subissent le sel, le soleil l’absence d’eau et de nourriture. Les deux personnages ont bel et bien perdu tout sens de l’orientation et la mort se fait de plus en plus pressente pourtant, il n’y a aucune dramatisation.
D’autre part, le spectateur suit tout au long du film, la progressive dégradation de l’état des deux amis qui subissent le sel, le soleil l’absence d’eau et de nourriture. Les deux personnages ont bel et bien perdu tout sens de l’orientation et la mort se fait de plus en plus pressente pourtant, il n’y a aucune dramatisation.
Autre caractéristique que l’on retrouvera dans les films postérieurs, c’est la présence appuyée des nuages. Le fait de filmer les nuages et l’atmosphère pendant de longues séquences est symbolique de la liberté du réalisateur par rapport à toute forme de pression économique et esthétique. Au sein de ce film que l’on peut qualifier d’expérimental, Gus Van Sant impose donc, à la manière d’un artiste, son propre esthétisme et son propre rythme. Des caractéristiques qui amorcées par Gerry, vont se retrouver dans les trois autres films qui forment le cycle.