Avec Michael Pitt, Lukas Haas, Asia Argento
Depuis trois films, Gerry (2002), Elephant (2003) et maintenant Last Days, le cinéma de Gus Van Sant a pris un tournant décisif, caractérisé par un thème central, celui des derniers jours, de la disparition d'un homme. La mort s’immisce de façon différente c’est d’abord la mort naturelle avec un environnement hostile, le désert dans Gerry, puis le meurtre avec les adolescents dérangés dans Elephant ou encore le suicide avec le mal être intérieur dans Last Days. Le troisième film du cycle , est un projet que Gus Van Sant avait depuis longtemps. Le suicide de Kurt Cobain l’a beaucoup marqué et dès 1995, il a la volonté de réaliser un film autour de cet événement.
Néanmoins, il ne faut pas se méprendre, Last Days n’est pas un film sur le rock. Encore moins une biographie, comme pouvait l’être Ray, de Taylor Hackford, sorti un peu avant sur les écrans. Le film biographique est un genre en soit qu’affectionne particulièrement Hollywood, et qui reprend souvent la même construction « ascension-déchéance-puis retour » pour consolider la légende. Ali de Michael Mann sorti en 2002, en est parmi d’autres, un exemple parfait.
Dans Last Days, l’optique est radicalement différente.
En effet, au risque de décevoir les nombreux adolescents venus voir l’adaptation des derniers jours du célèbre leader de Nirvana, Gus Van Sant surprend encore par la manière dont il évoque cette histoire. Comme dans Elephant, des distances sont prises avec la réalité, le personnage s’appelle Blake et non kurt, et à aucun moment du film on entend un morceau de Nirvana. Il aurait été aisé de faire un gros succès commercial avec ce thème tant la renommé du chanteur est toujours présente, néanmoins Gus Van Sant décide encore une fois d’explorer à sa manière la déchéance de l’humain en y imposant son style.
La cohérence stylistique avec les deux films précédents est évidente. Le récit est réduit au maximum, les dialogues sont rares, la caméra se déplace en suivant les personnages, et le temps se déconstruit progressivement et musicalement avec l’utilisation du montage répétitif.
Les longs silences sacralisent les moments de musique, comme pendant la scène où Blake chante. La pudeur de la réalisation tient le public à distance du chanteur, néanmoins l’intensité reste de la scène est intacte.
Le spectateur est encore une fois un témoin privilégié qui suit dans la plus grande intimité les derniers instants d’un homme.
La symbolique de la bulle déjà présente dans Elephant, est réutilisée avec l’errance de Blake dans la grande maison, où chaque scène semble le rapprocher inéluctablement de la mort. Gus Van Sant ne raconte pas le mythe mais l’homme et ses troubles intérieurs, qu’il filme avec pudeur et tendresse. Le regard est distant mais toujours présent, non pas pour tenter d’expliquer l’acte irréparable qui conclue le film, mais pour poser une réflexion autour de la perdition d’un homme.
Loin du film Biographique hollywoodien, Last Days est la vision d’un auteur, qui apporte toutes les caractéristiques de son style pour évoquer la souffrance humaine.